samedi 5 février 2011

Jour sauvé numéro quatre.

Je commence à écrire aujourd'hui dans le bus. J'ai ouvert un fichier texte intitulé "Sans titre", et qui le restera sans doute, et je viens d'avoir une frayeur qui revient avec une constance absolument terrifiante. A un moment, après son arrêt au rond-point Thiers, le bus de la ligne 602 doit tourner à droite dans un rond point pour prendre le chemin vers son arrêt suivant, Le Plateau. Afin d'effectuer le mieux possible ce virage, le bus doit se déporter légèrement vers la gauche afin de tourner plus facilement vers la droite ensuite. Mais parfois, le chauffeur va tellement vers la gauche que j'ai l'impression qu'il ne va tout simplement pas tourner après, qu'il va continuer dans le sens giratoire, continuer à tourner, qu'il a oublié qu'il était dans le 602 et qu'il croit que son itinéraire implique d'aller tout droit, qu'il s'est trompé de sens, qu'il va devoir faire demi-tour. Parfois pire, j'en viens à me dire que tout est ma faute aussi, que je me suis trompé de bus, que je n'ai pas fait attention, que, pris dans mes automatismes routiniers, je n'ai pas remarqué que ce n'était pas le bon bus qui était garé au terminus des bus, et que je suis dans le 601, ou le 605, ou n'importe quel bus qui ne me mène pas chez moi, et je vais devoir faire demi-tour, changer, marcher, perdre du temps, que c'est foutu, que je ne veux pas, que je veux que ce soit simple, juste que le bus tourne à droite et tout ira bien, s'il vous plaît, ne faites pas d'erreur, ne me faites pas faire d'erreur, ne me dites pas que j'ai fais une erreur. Et tout cogne dans mon cervelet ainsi, pendant cette demi-seconde où le conducteur se déporte un peu trop sur la gauche pour que je suis parfaitement sur qu'il ne va pas oublier de tourner à droite ensuite. Et quand le bus, sorti du sens giratoire, se met à grimper l'avenue que je l'ai toujours vu prendre, alors je peux ensuite me ressaisir et constater, bien sottement, l'étendue de ma crainte en les choses que je ne contrôle pas.

Pour faire ensuite une extrapolation couplée par une métaphore dégueulasse, j'ai parfois l'impression d'être dans un bus qui s'appelle la vie. Et je sais où va le bus. Et je sais à peu près le chemin qu'il devrait prendre. Et parfois, il me fait des frayeurs. Et tourne trop vite. Ou trop tôt. Mais la métaphore ne fonctionne pas. Elle est fichue. Elle a des bosses et des plaies dans son argumentaire et je vais la laisser là, agonisante, pauvre métaphore que les dieux ont abandonné à son sort funeste et grave. Déchirons tout et recommençons. Il nous faudra arriver à une époque où nous n'aurons plus peur quand le bus tourne trop. Il nous faudrait ça. Il me faudrait ça. Je suis actuellement pris dans une confusion telle que mes yeux ont décidé de ne plus répondre que par intermittence, m'offrant donc une vision du monde complètement découpée. Mais mon arrêt arrive. Mon arrêt arrive toujours, le voilà, il est temps pour moi de me lever, d'appuyer sur le bouton rouge pour marquer l'arrêt demandé, et d'attendre que les portes s'ouvrent pour me laisser dans les rues, celles que j'attendais, car, à la fin, je suis arrivé exactement là où je voulais arriver. Et j'ai honte de n'avoir pas cru entièrement le bus. Mais tout est pardonné à la fin. Les portes s'ouvrent. Je marche. Contient d'avoir dans mon ordinateur un texte exprimant mes doutes. Je vais pouvoir le mettre sur mon blog. Je vais pouvoir respirer. Je vais pouvoir, encore une fois, sauver ma vie grâce à un blog.

Argent dépensé aujourd'hui :
4,16 euros.

Trajets en transports en commun :
- Bus 602, 18 arrêts
- RER E, 10 arrêts
- Métro 3, 8 arrêts

Nombre de centimes dépensés pour aller aux toilettes :
Zéro centimes.

Nombre de notes de musique entendues :
Une note.

Nombre de fonds touchés :
Un fond.

Acte artistique de la journée :
Ne vouloir voir que des 1 sur un tableau de bord de sa voiture. Rater. Y croire. Ressayer. Le voir.

Nombre de chiens étripés par pur plaisir :
Zéro.

vendredi 4 février 2011

Jour sauvé numéro trois.

C'est toujours très difficile de prendre des décisions. Je ne parle pas pour les éléments importants de la vie, car ceux là font exprès d'être absolument indéchiffrable, et semblant condamner notre être, quel que soit le choix sur lequel on se porte à la fin ; pour résumer ça mieux, dans tous les cas, on est baisé. Non, je parle uniquement des petites décisions, celles dont la quasi-insignifiance est telle que l'on ne peut pas vraiment effectuer une liste de pour et de contre qui entraînerait un débat intérieur. Celles qui ne suscitent ni indifférence ni ressenti romantique. Non, juste, la décision idiote, dans le RER, est-ce que je vais aller à l'étage du haut ou du bas. Face à ces problèmes là, je me suis toujours senti un peu idiot, et j'ai toujours tourné les problèmes dans ma tête jusqu'à ce qu'elle manque d'exploser, un peu comme quand les professeurs de Français, en expression écrite, nous disaient "Sujet libre". J'aurais préféré une contrainte. Je me souviendrais toujours du jour, à l'époque bénie de la jeunesse, où ma mère m'a vraiment disputé juste parce que je n'arrivais pas à choisir, au moment de manger des pâtes, si je préférais prendre en accompagnement du ketchup ou de la sauce tomate. Et c'est vrai que la question se posait, c'était des pâtes-papillon, et elles fonctionnent autant avec la richesse de l'accompagnement d'une sauce tomate qu'avec le sucré-salé du ketchup. Je refusais à me dire que j'abdiquais, que je prenais un des deux au hasard et on s'en fout on rebouffera des pâtes un autre jour et on changera ce jour là, parce que non, non, la prochaine fois, je serais peut-être sûr, et oui, oui, là, sur le moment, ce simple choix de sauce me posait de vraies questions intérieures. Je crois que j'ai fini en divisant mon plat en deux petits tas de pâtes, chacun ayant sa propre sauce, mais le résultat était loin d'avoir aidé : commencer par lequel des tas ? Débat sans fin.

J'ai donc récemment décidé d'essayer vivre ma vie à pile ou face, comme dans la chanson très jolie des années 80. Littéralement. Prendre toutes mes décisions sans faire appel à moi autrement que physiquement. La mort du psyché. Je m'étais même inventé un processus très compliqué. Tout d'abord, la pièce utilisée devait avoir une date autre que 2010, et être de moins d'un euro, car elle réglait les petits problèmes. Ensuite, il fallait énoncer clairement le choix en murmurant avant de lancer la pièce une question débutant par "Est-ce que je… ou pas". Puis, j'énonçais où était le oui, où était le non, selon les faces, sachant que le choix était aléatoire, et changeant sur le moment (parfois, une partie de moi qui avait envie d'entendre une réponse et pas une autre, faisait exprès d'échanger après avoir eu un résultat, ayant plus de chance que la pièce tombe sur son autre côté plutôt qu'elle retombe sur le même : était-ce de la triche ? Commentez là dessus si vous voulez) Si, après le lancer de la pièce, celle-ci ne retombait pas dans ma main mais sur le sol, ou si je la rattrapais mal (entre deux doigts par exemple, laissant la pièce toute droite), alors le lancer était considéré comme nul, la pièce devait être changée (dans les règles énoncées plus tôt) et le choix posé modifié, formulé autrement : puisque l'expérience avait échoué, alors la question elle-même devait être ratée. J'ai donc essayé de tenir ça pendant quelques jours, mais les résultats n'ont pas été très convenables. Dès le matin, ma pièce de 10 centimes me proposait de ne pas aller au travail, de ne pas prendre de petit déjeuner et de remettre les mêmes vêtements qu'hier alors qu'ils étaient un peu sales. Et même face aux vrais indécisions (aller manger le midi ou pas ? aller acheter ce livre ou pas ? envoyer ce message ou pas ?), les réponses obtenues étaient souvent contradictoires, farfelues, et leur incongruité m'a presque aidé parfois à me dire de ne pas faire quelque chose. J'ai eu beau rajouter d'autres règles à mon protocole, disant qu'on ne pouvait pas demander des précisions après une première question, ou essayant de lancer trois pièces à la suite pour avoir un avis plus nuancé sur les décisions, rien n'y a fait. Et quand finalement, j'ai lancé ma pièce de 10 centième en me disant "Est-ce que je dois faire confiance à une pièce de 10 centimes" et que la réponse a été "non", j'ai été dévasté.

C'est soudain que la conclusion m'est alors apparue : je m'étais trompé dès le début. Je cherchais en la pièce une sorte de vérité mais j'avais compris de travers tout le principe de mes opérations. Je voyais la pièce comme une boule de cristal, là où elle n'était qu'une roue de la fortune sur laquelle les lots ne sont pas écrits. Je pensais qu'un pile était la bonne décision, qu'un face me montrerait la voie, alors qu'un pile n'était qu'une des décisions, choisie arbitrairement. Et certes, je savais bien que la pièce ne pouvait pas dire le futur, je ne posais aucune question au futur d'ailleurs, mais je pensais que par son absolue neutralité, elle offrait une possibilité de vie plus droite dans ses à-coups. Mais l'abandon que je cherchais dans la pièce était, depuis le départ, caduque. Peut être que vous le saviez depuis le début, mais moi pas. J'y croyais. Déçu infiniment par les pièces, je décidais, mais un peu tard, de ne plus payer qu'en carte bleue. Et d'écrire tout ça sur mon blog. Car un blog, c'est comme une pièce, mais à une seule face. La réponse dessus est la bonne. Ce que vous voyez est une pièce à une seule face. Vous ne pouvez pas perdre. Vous ne pouvez que gagner. Prenez un blog. Dites "Est-ce que tu peux sauver ma vie ? Face, oui". Lancez le. Face. Oui. Comme prévu. J'ai lancé mon blog. Il est tombé du bon côté. Et voilà comment un blog a sauvé ma vie et comment j'ai sauvé ma vie grâce à un blog.

Argent dépensé aujourd'hui :
23, 53 euros.

Trajets de transports en commun :
- RER E, 9 arrêts
- Métro 3, 6 arrêts
- Métro 4, 4 arrêts

Nombre de minutes passées dans des toilettes (en quart d'heure) :
Plus de six.

Nombre de péages empruntés :
Zéro péages.

Nombre de flaques d'eau dans lesquelles tombent des plans :
Deux flaques.

Acte artistique du jour :
Voir un morceau de papier et se faire mal avec, par simple volonté auto-destructrice, façon Chris Burden.

Nombre d'actes de cannibalisme perpétrés :
Zéro.

jeudi 3 février 2011

Jour sauvé numéro deux.

C'est arrivé à la nuit noire. J'étais dans ma voiture, enfin, dans une voiture que j'ai le droit de conduire, et j'écoutais de la musique. A un moment, je décide de tourner à droite. Il y a un stop, j'attends un peu qu'une voiture passe. Et là, j'entends un bruit très inquiétant : le bruit d'un clignotant qui ne fonctionne pas. Dans la voiture que je conduis. Vous savez, le "clic-clic" était beaucoup plus rapide que d'habitude, comme si le courant alternatif, n'ayant pas à passer dans le clignotant défectueux, avait une fréquence beaucoup plus rapide. Je crois que c'est l'explication qu'on m'avait donné quand j'étais à l'auto-école. Inquiet donc, je regarde le voyant, qui me semble aller plus vite que la normale, mais en même temps non. Je démarre. Une sensation étrange s'empare de moi. J'ai l'impression que le bruit va de plus en plus vite. Quelque chose s'accélère. Se décale. Le rythme devient irrégulier.

J'arrête le clignotant, ne pouvant pas tourner à droite toute ma vie. Puis le remet. Puis met celui de gauche. Je fais plein de tests pour essayer de comprendre. Le rythme est revenu à la normale. Je comprend enfin. Dans la musique que j'écoutais (le morceau Re-Hash du collectif visuel Gorillaz, extrait de leur premier album Gorillaz, sorti en 2001 chez EMI), il y avait une batterie, et le son de la charleston qui battait le temps de manière régulière était presque le même que celui du clignotant. Les deux sons s'étaient mis en rythme un instant pour créer cette accélération trompeuse. J'étais heureux soudain. Heureux de cette méprise qui avait crée finalement une situation cocasse. Puis j'ai eu une pensée terrible : qu'on dû penser les gens derrière moi, avec mes changements de clignotants intempestifs? Ont-ils cru que j'étais idiot? Est-ce que, finalement, quand on juge un inconnu qu'on croise quelque part et qui a un comportement incongru, on est pas un salaud qui ne se doute pas que c'est la vie qui lui a joué un heureux sort qui, en ce qui le concerne, le fera plus rire? J'ai peur d'avoir été jugé à cause d'une charleston. J'ai peur que des gens ai cru que j'avais pris de l'alcool avant de conduire.

J'ai très peur. De l'image. Que je peux avoir. Chez des inconnus. Ce qui est ridicule finalement, mais tout de même. Les inconnus ne sont personne. Ils sont donc tout le monde. Donc tout le monde te juge quand un inconnu te juge. Et tout ça à cause d'un choix de production. "Je veux une batterie au son très aigu". Et boum. Dix ans plus tard. Une question existentielle. Qui me taraude. Me hante. Me bouffe. Jusqu'à ce que je l'écrive ici. Sur mon blog. Que je puisse poser mes doutes. En html. Et tout est oublié. Ce n'est qu'un souvenir. Je vais mieux. Merci. Merci blog. J'ai sauvé ma vie encore une fois grâce à toi.

Transports en commun :
- RER E, 10 arrêts.
- Métro 3, 8 arrêts.
- Bus 602, 6 arrêts.

Argent dépensé aujourd'hui :
Zéro euro.

Nombre de calories ingérées pendant ma pause déjeuner :
Zéro calorie.

Nombre de gobelets en plastique utilisé à mon travail pour boire aujourd'hui :
Zéro gobelet.

Nombre de recherches "Corinne Touzet Nue" effectuée sur Google :
Zéro recherche.

Acte artistique du jour :
Tracer des trais parallèles au Nutella sur une crêpe sucrée et ne pas la plier pendant un instant, heureux du fait d'avoir fait, à mon échelle, du Land Art culinaire.

Nombre de petites filles découpées en morceaux :
Zéro.

mercredi 2 février 2011

Jour sauvé numéro un.

Aujourd'hui, je suis allé à Mc Donalds. J'ai commandé deux hamburgers, une petite frite et un sundae caramel. Le total était de cinq euros et quarante centimes. A la base, je ne voulais pas prendre le sundae caramel, pour ne pas augmenter le cout total de mon repas, mais une pulsion de dernière minute m'a poussé à le faire, alors même que la caissière avait déjà actionné le mécanisme qui me permettait d'insérer ma carte bleue pour payer, l'obligeant à refaire une manipulation sur sa caisse.

Au moment de manger le sundae, dix minutes plus tard, je constate qu'il n'est pas très rempli. Une déception s'empare de moi. Puis me revient ce souvenir, cette fois où, dans le même restaurant Mc Donalds, le sundae caramel qui m'avait été servi arrivait aux bords de son récipient, menaçant de déborder. Je me suis alors demandé si pour une glace trop remplie, je n'avais pas en retour une glace pas assez remplie. Me donnant alors deux visions de la choses, contradictoires. La première m'indiquait que ma vie avait été en déséquilibre jusqu'ici, à cause de ce trop-plein de plein (ici, de glace), et que l'ordre était revenu en moi. La second m'indiquait que chaque instant positif (le fait d'avoir une portion supérieure à la normale) était remboursé, à un autre moment, par un instant a-positif, voire non-positif, voire négatif.

Perdu dans mes pensées, j'ai réussi à me consoler finalement en me disant que cette anecdote serait racontée dans ce blog, la figeant donc avec des mots pour ne plus avoir à y penser. Mon esprit était libre à nouveau. Encore une fois, j'avais sauvé ma vie grâce à un blog.


Trajets en transports en commun du jour :
- Métro 3, 17 arrêts.
- Bus 602, 10 arrêts.
- RER E, 10 arrêts.
- Métro 5, 3 arrêts.

Argent dépensé :
5,40 euros.

Acte artistique du jour :
Aller à pied jusqu'à la station de métro Bonne Nouvelle, y entrer puis en sortir tout de suite, n'ayant rien à y faire : n'avoir fait le trajet jusqu'à la station parce que je trouvais son nom joli.

Nombre d'enfants sauvagement assassinés :
Zéro.